Pièce musicale controversée ♫

Geneviève Goulet

Geneviève Goulet est enseignante au secondaire depuis 12 ans. Elle enseigne le cours d’histoire et d’éducation à la citoyenneté à l’école Horizon Jeunesse à Laval, Québec. Ce cours sur l’histoire du Québec et du Canada s’adresse aux élèves de 3e et 4e secondaire (15-16 ans). Geneviève est candidate à la maîtrise en éducation à l’Université du Québec en Outaouais. Dans ses recherches, elle s’intéresse tout particulièrement au développement de la pensée historique chez les élèves au secondaire. De plus, elle a collaboré à titre d’auteure pédagogique pour des cahiers d’activités en histoire aux éditions ERPI.

Lorsque j’aborde une nouvelle période historique en classe, j’aime bien faire écouter aux élèves de la musique de cette époque. La musique ancienne nous fait voyager dans le temps. Elle nous fait découvrir l’atmosphère d’une époque où nous n’étions pas nés. Les élèves apprécient grandement ces moments musicaux. La musique baroque, la musique de la Nouvelle-France ou la musique jouée sur le Titanic (avant de couler...) sont agréables à écouter. Les élèves écoutent ces pièces musicales instrumentales en se laissant emporter dans le lointain passé. Par contre, certaines pièces musicales anciennes peuvent parfois sembler étrange aux oreilles sensibles de ces jeunes qui passent leurs journées branchés sur leur MP3. Régulièrement, je sensibilise mes élèves au choc qu’une pièce musicale d’autrefois peut susciter surtout, si elle n’est plus du tout au goût du jour. Je leur précise que je ne suis pas là pour leur faire aimer la musique ancienne, mais plutôt pour leur faire découvrir des styles musicaux qui ont été populaires à certains moments donnés de l’histoire. Les goûts musicaux changent selon les époques, c’est évident. Les techniques d’enregistrement, les instruments de musique ainsi que la qualité sonore ont grandement évolués au fil du temps.

 

La pertinence historique de la musique...

Dernièrement, j’ai abordé la période de la crise économique des années 30 avec mes élèves de 4e secondaire. J’ai fait écouter à mes élèves un air d’une chanteuse québécoise : Mary Travers dite La Bolduc. En 1930, cette artiste avait enregistré une chanson qui s’intitulait : Ça va venir, découragez-vous pas. Les paroles de cette chanson étaient directement en lien avec la période étudiée en classe puisqu’elles décrivaient, de manière humoristique, les conditions dans lesquelles se retrouvaient les gens durant la crise. Sur un air joyeux, la chanteuse encourageait la population à rester positif en ces temps difficiles. Durant l’écoute de la chanson, les élèves ont manifesté leur mécontentement. Au lieu d’écouter, plusieurs élèves chialaient de part et d’autre de la classe. Les commentaires allaient ainsi : «C’est nul, elle fausse. Pourquoi on écoute ça ? Je ne peux croire qu’ils aimaient ça cette toune-là dans ce temps-là. La chanteuse est seulement accompagnée au piano, c’est pas fort.» C’est à ce moment que je suis intervenue en arrêtant la musique pour parler avec mes élèves d’un concept de la pensée historique : la pertinence historique. J’ai alors discuté avec mes élèves de la pertinence d’écouter cette chanson en classe d’histoire. De quelles façons ce personnage historique est-il pertinent sur le plan historique? Oui, il est évident que cette chanteuse qui turlute ne plait pas à mes élèves. Toutefois, selon une perspective historique, Madame Bolduc est porteuse des valeurs d’une période difficile de l’histoire des nord-américains qui subissaient les effets du krach boursier new-yorkais de 1929. Tout comme La Bolduc, beaucoup de personnes ont été touchés par la crise économique des années 30. Au Québec, en 1933, 1 personne sur 4 était au chômage. Par les paroles de sa chanson et l’histoire de sa propre famille, Madame Bolduc, peut nous aider à comprendre le passé. Une élève m’a alors dit spontanément: «Heureusement, que La Bolduc était là pour mettre un peu de gaieté dans la vie des pauvres gens de cette époque.» C’est ainsi que j’ai compris que mes élèves avaient compris. Nous avons donc entrepris d’écouter le reste de la chanson. Cette fois-ci, les élèves sont restés silencieux et très attentifs aux paroles...

 

Pour en connaître davantage sur La Bolduc :

Minutes du patrimoine (disponibles en français et en anglais):

https://www.historica-dominion.ca/fr/content/heritage-minutes/la-bolduc

Pour finir, je vous avais promis des nouvelles du déroulement de mon projet sur les personnages historiques de la Nouvelle-France (voir mon tout premier blogue du 5 mars 2013). Les présentations orales des élèves portant sur la vie de personnages historiques de la Nouvelle-France ont été fort intéressantes. Plusieurs élèves m’ont agréablement surpris. Ils avaient apporté en classe des images ou des objets afin de rendre leur présentation plus vivante. La grande majorité des élèves écoutaient les oraux de leurs camarades de classe avec intérêt. Il faut dire que plusieurs personnages de la Nouvelle-France ont eu une vie qui sort de l’ordinaire. Par exemple, la vie d’Étienne Brûlé, l’interprète de Samuel de Champlain, est parsemée d’aventures et de péripéties. Un groupe d’élèves a tenu en haleine toute la classe lorsqu’ils en ont fait le récit. La vie de cet aventurier n’est pas banale. Il a vécu parmi les Hurons, adoptant leurs coutumes et leur mode de vie. À titre de coureur des bois, Étienne Brulé a voyagé, explorant la Nouvelle-France dans ces contrées les plus reculées. Accusé de trahison par Champlain, il retourna chez les Hurons où il fût assassiné et mangé par ceux-ci. Cette finale intrigua les élèves, ce qui suscita de nombreuses questions sur un sujet plutôt délicat : le cannibalisme ! Bref, ce projet sur les personnages historiques de la Nouvelle-France sera à refaire à coup sûr l’an prochain.