Je ne pense pas être une mauvaise enseignante d’histoire, bien au contraire. Par contre, ça fait trop d’années que j’enseigne de la même façon. Voici une liste peu exhaustive des stratégies d’apprentissages que j’utilise quotidiennement dans ma classe. Les élèves écrivent des notes de cours consignées au tableau. Les faits, les événements, les anecdotes historiques font l’objet d’un exposé magistral. Puis, les élèves font des exercices dans un cahier de savoirs et d’activités. Le cours suivant, je corrige avec eux les exercices et ensuite ça recommence : notes, exercices, correction, notes, exercices… Je suis prise dans un engrenage perpétuel, lequel me permet de me sentir à l’aise dans ma classe et en contrôle de mes moyens. Quant aux élèves, ceux-ci sont disciplinés et ils connaissent la routine de la classe d’histoire. Entre moi et les élèves existe un respect mutuel. Mon travail est rigoureux et ils en sont conscients. Alors, je pourrais m’arrêter ici et me dire que tout va bien. Que ma carrière d’enseignante d’histoire est conforme à mes attentes professionnelles. Or, ce n’est pas le cas. Une question m’est venue un jour à l’esprit et depuis, elle m’obsède. Les élèves de ma classe d’histoire apprennent-ils? La réponse est oui, sans aucun doute. Je sais que mes élèves connaissent des dates et des événements historiques. J’en suis sûre puisque la plupart réussissent les examens portant sur les connaissances historiques! Je pousse alors ma réflexion un peu plus loin. Les élèves sont-ils capables de reconnaître une source primaire, savent-ils établir une pertinence historique, sont-ils capable d’analyser des causes et des conséquences en lien avec des événements historiques…? Bref, mes élèves développent-ils leur pensée historique dans mon cours d’histoire ? Comment le savoir ? Afin d’en connaître davantage et de perfectionner mon enseignement, je me suis inscrite cet automne à l’université pour faire une maîtrise en éducation. En allant me perfectionner, je trouverai sûrement des réponses à mes interrogations en lien avec le développement de la pensée historique. C’est lors de mes recherches sur le sujet que j’ai découvert le site sur le projet de la pensée historique. Un professeur m’avait parlé des concepts de la pensée historique de Peter Seixas, peu connus des enseignants au Québec. Très intéressée par cette approche visant le développement de la pensée historique, j’allais tenter l’expérience dans ma classe.
Mes premiers pas dans le projet
Par où commencer lorsque l’on veut développer la pensée historique chez nos élèves? Comment faire en sorte que mes six classes de trente élèves de 3e et de 4e secondaire ne deviennent pas toutes désorganisées à cause du changement de routine? Je me suis dit qu’il fallait que je commence par un projet tout simple qui, avec de l’expérience, deviendra plus élaboré. C’est alors que j’ai réservé le local d’informatique de mon école pour mes élèves de 3e secondaire. Tant qu’à faire différent, nous allions sortir de la classe d’histoire! Puis, j’ai choisi le thème de mon projet. Les élèves de 3e secondaire allaient découvrir les différents personnages marquants de la Nouvelle-France. Pour y parvenir, les élèves, en équipe de deux, devraient s’interroger sur une source primaire (un document écrit et /ou une image) et ainsi découvrir que celui-ci avait un lien avec un personnage historique de la Nouvelle-France. Pour faire leur rapport de découverte, les élèves devaient remplir la F-2 Sources primaires disponible sur le site du projet sur la pensée historique. Puis, sur une autre feuille, ils feraient une courte biographie de leur personnage.
Difficultés rencontrées
La première difficulté que j’ai rencontrée dans ce projet a été celui de trouver des sources primaires de la Nouvelle-France. Je me rendue compte que les sources numérisées et disponibles sur Internet étaient rares. Malheureusement, je n’avais pas le temps de chercher dans les archives des bibliothèques. J’ai donc dû éliminer certains personnages puisque je ne trouvais presque rien à leur sujet. D’un autre côté, j’ai aussi fait des découvertes de sources primaires extraordinaires. Par exemple, j’ai trouvé un testament écrit par Jeanne Mance, une fondatrice de Ville-Marie alors qu’elle était malade.
Après la distribution du travail, j’ai constaté les nombreuses difficultés qu’éprouvaient mes élèves à répondre aux questions sur la source primaire. Je n’avais jamais pratiqué cette méthode de travail en classe avec eux. Dans ma classe d’histoire, les documents écrits ou les images anciennes ne servaient qu’à accompagner le texte d’un manuel scolaire ou les notes de cours présentées sur le tableau numérique. Or, dans ce travail, les sources primaires ne servaient plus qu’à accompagner un texte mais devenaient essentielles à la réalisation de leur travail. Plusieurs élèves, en cherchant sur Internet, ont retrouvé le site d’où provenait leur document écrit ou leur image. Ainsi, ces élèves ont pu facilement découvrir le personnage historique en lien avec la source étudiée. Cette partie du travail était relativement facile. Identifier le type de source, son auteur, sa date de création ainsi que les événements historiques qui ont marqué l’époque où cette source a été créée était aussi assez facile puisque, généralement, les élèves retrouvaient aisément ces informations sur Internet. Par contre, lorsque les élèves devaient s’interroger sur la source et se placer dans une position de perspective temporelle, une majorité d’entre eux ne comprenait pas pourquoi la source avait été créée et comment celle-ci contribuait au personnage étudié. De plus, la perspective ou la position adoptée par l’auteur ou le créateur de la source ainsi que l’influence que celle-ci pouvait avoir sur la source représentaient des questions très difficiles à répondre. Il faut dire que les réponses à ses questions ne se trouvent pas sur Internet. C’est à cette étape que la pensée historique entrait en jeu et j’ai compris à ce moment l’ampleur des difficultés rencontrées par mes élèves. Ils étaient incapables de répondre car ils ne trouvaient pas la réponse, ils devaient la découvrir en utilisant les concepts de la pensée historique, soit la perspective et la méthode historiques. Deux concepts que les élèves n’avaient jamais vraiment développées en classe d’histoire…
Dans les jours à venir
Je n’ai pas encore corrigé le travail de mes élèves. Mes élèves n’ont pas encore présenté leur personnage historique au reste de la classe. Cette partie du travail aura lieu la semaine prochaine. Je vous tiendrai donc au courant des prochains développements et de mes impressions dans un autre texte à venir. J’adore mon travail d’enseignante d’histoire et je redécouvre, avec les yeux de mes élèves, une manière d’aborder l’histoire en classe qui est toute nouvelle pour eux et pour moi…
PROJET SUR UN PERSONNAGE DE LA NOUVELLE-FRANCE
Vous êtes deux bibliothécaires travaillant aux archives nationales de la Nouvelle-France. En faisant vos recherches, vous avez découvert une source primaire, c’est-à-dire une image et/ou un texte ancien. Cette image et/ou ce texte fait référence à un personnage historique ayant vécu à l’époque de la Nouvelle-France.
Vous devez deviner de quel personnage il s’agit.
Consignes du travail :
Votre patron vous demande de remplir un rapport sur votre découverte (voir feuille ci-jointe) où vous vous questionnez sur la source primaire.
Ensuite, vous devez rédiger une courte biographie du personnage historique en lien avec votre découverte (¾ à 1 page).
Finalement, vous devez exposer à la classe les résultats de votre recherche en faisant un court exposé magistral de 5 à 10 minutes où vous parlerez de votre rapport de recherche et de la biographie de votre personnage. Vous pouvez apporter des éléments visuels pour agrémenter votre exposé.
Bon travail !